Mes histoires courtes "J'ai écrit, j'écris, j'écrirai"

Concours nouvelles Télérama « Une terrible beauté est née »

Texte Astrid MANFREDI écrit  à l’atelier mot à mot dans le cadre du concours de nouvelles sur le thème « Une terrible beauté est née » Concours organisé par TELERAMA pour la Biennale de Lyon

 UNE TERRIBLE BEAUTE EST NEE

C’est un jour comme les autres. Le soleil se lève très exactement à midi. Les arbres ne sont plus qu’une rêverie. Les océans se sont retirés, disparus un matin de 2025. Chacun possède une poche reliée aux nappes phréatiques dosant les besoins journaliers en eau. On croise parfois quelques vaches siamoises dans les rues balayées par l’ouragan. Leurs tristes beuglements percent le silence. Pour s’éclairer, la population porte des vêtements fluo. Les silhouettes criardes  jettent  des flashs sur la toile du monde crépusculaire. POLLOCK n’aurait pas été mécontent. Personne ne se souvient de POLLOCK, sauf Monsieur PLUG qui cache dans sa tête les trésors du passé. Il ne veut pas d’ennuis avec la milice de la nostalgie. Il se rend à son travail comme d’habitude. Il trie avec minutie  les embryons à déshumaniser au moyen d’éprouvettes reliées au réseau  DEAD-BOOK.  Cela fait longtemps qu’il ne se pose plus de questions, l’eugénisme a gagné. Toute la journée, il répertorie et jette les embryons non conformes.

Puis il la voit, c’est une fille. Ses poings translucides bataillent. Ses cheveux ondoient vers le temps. Ses yeux tels deux trésors scintillants le fixent.

Il détourne son unique œil valide, gêné d’une telle audace. Le ministère de la géolocalisation NEVEREYES a censuré tout échange de regard.

Il la met de côté et reprend sa tâche. Le lendemain, elle est toujours là, triomphante. Il se risque à la toucher attiré par sa pigmentation.

PLUG sent une larme au bord de ses paupières. Affolé, il s’assure de son invisibilité. Il prend l’embryon, le cache dans sa vareuse et le garde chez lui. Mais l’enfant s’ennuie. Pour qu’elle ne soit plus seule il vole d’autres embryons. Une minuscule communauté voit le jour. Ils sont bavards, chantent  à tue-tête. Il les aime. Sa première, sa préférée, il l’appelle ONDINE, en souvenir d’un livre oublié. Un jour, elle écrit cette phrase : c’est la beauté qui sauvera le monde. Il ne l’efface pas.

Il la laisse partir à regret. Elle vient d’avoir 17 ans.

Bien des années plus tard, alors qu’il se  prépare  à la congélation finale, PLUG apprend par INFO BUZZY  qu’une révolution « BEAUTIFUL »  voit le jour à l’Est de la terre. PLUG n’a plus à baisser les yeux.  Il emporte dans le congélateur n°1789 le secret d’une phrase que rien n’efface, prophétie d’une terrible beauté. Il n’a pas d’héritier connu, son aura télépathique se déconnecte.

1 comment on “Concours nouvelles Télérama « Une terrible beauté est née »

  1. Jérôme

    A reblogué ceci sur Le monde de Phlodèneet a ajouté:
    « Dis bonjour à Sharbat Gula ! » C’est par ces mots que j’avais été accueilli par mon collègue à mon arrivée en me montrant une photo sous verre accrochée sur le mur blanc près de la porte, face à la fenêtre. Je connaissais la couverture de National Geographic mais ignorais l’identité de la fillette, l’Afghane aux yeux verts. Je ne mesurais pas l’importance de cet élément du décor. Avec le temps, le visage enfantin avait complètement intégré mon univers. Lorsque je suis confronté à un problème ardu, c’est dans la fraîcheur de son regard, le plus beau du monde… à mes yeux, que je me plonge pour réfléchir et trouver la solution. Bien sûr, j’ai vu la photographie prise près de vingt ans après et où la fillette est devenue une femme prématurément vieillie par une vie de labeur dans la campagne Afghane.
    Ce deuxième portrait m’avait d’abord fait penser à une autre série de photographies, à une autre femme, Florence Thompson, photographiée par Dorothea Lange au début des années trente.
    Pendant l’été 2010, la couverture du numéro de Time attira mon attention au kiosque avec le portrait réalisé par Jodi Bieber. Je fixai pendant de longues minutes cette face camuse. Je détournai les yeux vers le mur pour y puiser le courage d’affronter le réel. Ce n’est pas une victime qui a été photographiée mais une femme debout qui lutte et témoigne. Ce combat, Jodi Bieber, une femme, l’a photographié et la solidarité derrière l’objectif parle plus fort que le beau portrait de Steve Mac Curry.
    Je n’ai pas lu l’article de Time, pas plus que je n’avais lu celui du National Geographic. Plus tard, j’ai suivi l’actualité de Bibi Aïsha, la reconstruction de son visage aux États-Unis, ai vu les premières photos publiées ensuite sur Internet. C’est une belle jeune femme au regard doux mais déterminé. Mais qui l’aurait su si elle était restée captive des Traditions, cachée derrière la Burqa ?
    Car, si une terrible beauté est nez, il est certain que, le visage refait, pour Bibi Aïsha, une terrible beauté est née.

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