L’étincelle
Il fait glisser sur sa peau frissonnante la lame blanche et coupante. Elle ferme les yeux et savoure la douleur, la pénétration du métal froid dans sa chair. Mourir, c’est déjà exister.
Ils venaient de se rencontrer, dans un bar rue Balard. Anonyme et solitaire, elle se saoulait, comme une éponge déshydratée. Frêle et fragile. Translucide. Vieille fille égarée. Il était seul lui aussi ; blouson de cuir, cheveux ébouriffés, mal rasé, chien errant lapant son énième whisky.
En habitués qu’ils étaient, leur déni d’existence les a rapprochés. Des discussions ont commencé à se dessiner autour des verres. Un peu plus proches. Encore un peu plus. Deux ombres tremblantes ont quitté le bar de concert, ondulant à travers Paris dans des rues se faisant plus glauques à mesure que leurs pas réclamaient l’exil. Arrivés aux abords de nulle part, les deux êtres acculés pleuraient. C’est alors qu’elle lui a demandé de la lumière. Une lumière pour voir. Voir enfin quelque chose. Il a sorti sa lame et la clarté d’un réverbère a donné l’étincelle. Le tempo.
Sa peau ne frissonne plus. La chaleur du sang libéré lui donne espoir. Celui d’avoir existé.
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