Cette semaine, je vous invite à découvir le texte d’un auteur masculin – « Eric LESIEUR » – généreusement invité à partager le bla bla bla littéraire de « Laisse parler les filles ». Un garçon..oui mais trié sur le volet car « Eric LESIEUR« , auteur de l’atelier mot à mot, va je l’espère vous amuser, vous réveiller grâce à ce texte impertinent qui égratigne les auteurs de Best seller à la française tout en jouant avec l’imagerie des Saintes Ecritures.
Merci à Eric pour ce coup de griffe bien senti. En attendant l’avènement du divin enfant de la littérature…
Lecture de Noël,
Evangile du temps de Marc
En ce temps-là parut un édit de l’empereur Auguste ordonnant de recenser toute la terre – ce recensement eut lieu alors que Musso le Grand était gouverneur du pays des scribes. Et chacun allait se faire inscrire dans sa ville d’origine.
Un charpentier du Perche, lui aussi, quitta son village pour monter à la capitale, car il était de la maison des scribes affectés au recensement. Il prit avec lui Noëlle son épouse, « une fille de papier » qui portait en son sein un auteur, le prodige annoncé par les siècles. Elle avait entendu « l’appel de l’ange ».
Or, pendant qu’ils étaient là, arrivèrent les jours où elle devait enfanter. Elle emmaillota l’enfant dans des langes que tenaient d’improbables broches, le coucha dans une mangeoire sous la protection des animaux de la ménagerie qui l’avait accueillie, et s’en vint dans la salle commune retrouver les bergers et bergères qu’elle entrainait à écrire la gloire de son Dieu.
L’enfant était né à Paris, capitale du pays des scribes dominée par le redoutable préfet Ponce Lévy. Marc Poncif Lévy – tel était son véritable nom – régnait par la terreur et la propagande sur les bas quartiers littéraires qu’il asphyxiait sous les scories déversés par les cheminées de ses imprimeries. Son frère B.H, auquel il avait succédé, parcourait l’empire, parlait aux zélotes et aux pharisiens, et exhortait les légions à continuer partout de faire « la guerre sans l’aimer ».
Musso et Lévy étaient issus d’une famille de grands prêtres qui régnait sans partage. La croyance populaire leur attribuait la source des écritures. Depuis la genèse : « Sept jours pour une éternité », « Le premier jour », « La première nuit », jusqu’aux écrits apocalyptiques : « Je reviens te chercher », « Sauve moi », « Vous revoir », ils avaient à eux deux rédigé tous les livres de la Bible du pays des scribes. Leurs chapitres se faisaient écho : « Ou es-tu ? » demandait l’un, auquel l’autre répondait : « Seras-tu là ? »
Les exégètes étaient partagés. « Et après ? » pensaient les sceptiques, quand les crédules rétorquaient : « Et si c’était vrai ? »
Or voici que des mages, venus d’on ne sait où, vinrent trouver Lévy et demandèrent : « Où est le roi des mots qui vient de naître ? Nous avons vu se lever son étoile et venons nous prosterner devant lui, car de sa lignée doit naître une nouvelle littérature ». A ces mots, Lévy fut pris d’inquiétude, et tous les grands prêtres avec lui. Réunissant les chefs de prêtres, des scribes et des éditeurs, il leur demanda où devait naitre ce dangereux prodige. N’ayant pu obtenir de réponse, il convoqua les mages en secret et leur dit : « Allez, trouvez ce nouvel auteur, et quand vous l’aurez adoré, revenez me voir et m’indiquer le lieu où, à mon tour, je pourrai aller me prosterner devant lui ».
Les mages sortirent dans Paris et se remirent en quête de l’enfant. Dans le ciel noirci par les scories, aveuglés par les clichés, ils perdirent leur étoile et il fut longtemps avant que, perché sur la verrière d’un atelier d’écriture, ils ne trouvent enfin l’Ange masqué qui leur indiqua qu’ils touchaient au but. Entrés dans la modeste demeure, ils se prosternèrent devant la mère, l’enfant et les bergers et bergères interloqués. Ils ouvrirent leurs coffres et offrirent leurs présents : des bijoux fantaisie, des chouquettes, un Bescherelle, des animaux en peluche, un recueil de textes choisis de la nrf, et tant d’autres babioles précieuses. Ils restèrent en adoration devant l’assemblée qui leur offrit en retour quelques extraits de cette nouvelle littérature que l’enfant venait accomplir. Au moment de prendre congé, l’Ange masqué les mis en garde de ne jamais retourner chez Lévy et ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.
Alors Lévy, furieux d’avoir été trompé par les mages, compris le danger de ce nouvel auteur qui, un jour, viendrait lui faire de l’ombre et balayer les présentoirs des temples de la littérature officielle. Il déchaina dans Paris ses mercenaires qui, conduits par leur chef « le voleur d’ombres », brulèrent toutes les bibliothèques et librairies en un gigantesque autodafé. Seules furent épargnées les enseignes France Loisirs, les boutiques Relay, et les têtes de gondoles des rayons livres des magasins Carrefour.
Eric LESIEUR, le 6 décembre 2011
Se taper toute la bibliographie des deux est courageux! Cela dit, ça valait le coup. J’avais un petit sourire en coin pendant toute la lecture.
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Je suis bien d’accord un humour très fin de surcroît !!! faites le buzz si vous avez un moment. Bonne soirée et merci 🙂
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Excellent, beaucoup d’humour !!!
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