Mon avis sur : « Voyage au bout de la nuit » écrit par Louis-Ferdinand Céline édition Folio

Eh bien oui, j’ajoute ma pierre à l’édifice concernant le roman culte du misanthrope de la littérature. Mais pour qui je me prends… tout simplement pour une lectrice qui un jour, un jour pas comme un autre, découvrit cette œuvre majeure, inclassable, l’œuvre la plus surlignée de ma bibliothèque.
Chant humaniste sans volonté de l’être, chant de haine poétique à l’encontre de l’espèce humaine si décevante, « Le voyage » est le roman ultime de la littérature, tous genres confondus. Il serait regrettable que la PRAVDA éducation nationale, sous couvert d’acceptation des communautés entre elles, laisse les élèves vierges de cette découverte littéraire. Tout a été dit, redit et écrit sur le style ponctué de lyrisme anarchique de l’auteur. Déserteur, amoureux solitaire, apatride, antimilitariste, médecin que la vocation a quitté, Bardamu – le héros du roman – incarne tous les hommes en un seul.
Nulle rédemption au pays de Bardamu. Comme dans tous les pays, on ne s’amuse pas beaucoup et le rire se voile de désenchantement. Anti-héros, la lâcheté tatouée sur la peau, Bardamu erre de destinations en destinations, incapable de faire entrer en lui le pouvoir salvateur de l’amour. Et c’est bien cela son grand drame : cette conscience aigüe du monde et des horreurs qui y sont perpétrées empêchent l’accès à ce qui est censé nous sauver.
Anticlérical, anarchiste sans faucille, Bardamu se jette à cœur perdu dans la chair féminine qui finit elle aussi par le lasser, le mettant sur le carreau de l’asphalte New-Yorkais. Une errance du nouveau monde que sait si bien dire Fabrice Luchini : « C’est peut-être ça qu’on cherche à travers la vie, rien que cela, le plus grand chagrin possible pour devenir soi-même avant de mourir ». Cette phrase, dont la terrible beauté circule à tout jamais dans mon flux sanguin, achève le voyage à New-York. Après, il faut bien rentrer. Mais pour aller où ? Où que l’on aille la désillusion porte un costume noir et ses pas sont sans issue ; pas de soleil pour le pauvre baiseur. Alors, il faut partir, partir sans se retourner, plus loin il y a une écluse, encore plus loin il y a autre chose, autre chose pour échapper à cette sentence « C’est l’âge aussi qui vient peut-être, le traître, et nous menace du pire. On n’a plus beaucoup de musique en soi pour faire danser la vie, voilà. Toute la jeunesse est allée mourir déjà au bout du monde dans le silence de vérité. »
Roman disséqué, controversé, roman nécessaire comme l’eau qui nous hydrate, roman qui change toute lectrice, tout lecteur. « Le voyage » rend nos nuits plus belles que nos jours.
Bonjour,
je suis tombée sur votre blog par hasard, car je cherchais, justement, des avis sur « Le voyage au bout de la nuit » tant ce roman m’a perturbée. J’ai dix-neuf ans et c’est un roman qui fait partie des livres que je dois lire cet été. La brutalité de son style, les descriptions horribles m’ont au début rebutés, et m’ont presque donné envie d’arrêter de le lire. Mais par curiosité (« va-t-il aller encore plus loin dans l’horreur? »), j’ai continué à lire. Aujourd’hui, j’arrive à la fin de l’histoire. J’essaie de me remémorer ces quelques cinq cent pages de noirceur et je ne sais pas trop quoi penser. Je me rappelle surtout de certains passages tant ils m’ont marqué (« le communisme du caca » pour décrire des toilettes publiques aux Etats-Unis, ou encore « le sang qui fait « glouglou » » pour décrire l’hémorragie d’une femme qui a tenté de s’avorter). Je pense que la brutalité du texte est encore trop présente pour que je puisse prendre le recul nécessaire. C’est la première fois qu’une oeuvre me fait cet effet : je ne sais pas si j’ai aimé ou détesté. Il est indéniable que c’est une critique de l’homme, du patriotisme et surtout du colonialisme (le passage sur l’Afrique est celui qui est le plus violent et le plus dégoûtant selon moi).
Néanmoins Céline a eu le talent de me marquer profondément, par son style brut et sans détours. Il ne fait pas dans la dentelle lorsqu’il décrit la misère. Mais quelquefois, je me demande si ce pessimiste est tant nécessaire. Et je me pose beaucoup de questions aussi : est-ce une sorte de roman autobiographique? Pourquoi Bardamu est-il aussi perdu, errant, sans but? Pourquoi ne cherche-t-il pas à s’en sortir? Pourquoi est-il passif face aux événements ? Est-ce la guerre qui a provoqué cet état d’âme? Où y a-t-il autre chose encore?
Quoiqu’il en soit, ce fut une lecture intéressante. Le livre est à lui seul un voyage et, lorsque l’on tourne la dernière page, on en « revient » différent.
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Oui inoubliable, il est bon de le rappeler parfois merci Agathe
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Un roman bouleversant !
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