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Mon avis sur : « Le journal d’Hélène Berr », préfacé par Patrick Modiano

Mon avis sur mon second coup de coeur littéraire :
« Le journal d’Hélène BERR » préfacé par Patrick MODIANO

1ère de couverture "Le journal d'Hélène BERR" - Editions Points

C’était l’été, la période des glaces à l’italienne et des vilains orteils sortant de tongs tout aussi vilaines. Le soleil n’était pas encore au rendez-vous mais un air de congés payés flottait dans l’air. Parfaitement consternée par le concert « y a qu’à danser » organisée par  la station balnéaire, je décidais donc de retrouver mes austères amis les livres. Face à moi, fraichement shoppés dans ma librairie parisienne, trois livres : les deux polars de l’été à lire entre deux verres de rosé ou le plus difficile « Journal d’Hélène Berr » préfacé par notre esthète de la langue française, j’ai nommé Patrick MODIANO.  Ams, tram, gram,Pic et pic et colégram, cela sera le journal d’Hélène BERR. Quatrième de couverture triste à mourir, encore une histoire de déportation qui tourne mal. Je me lançais, kleenex à proximité, au cas où une invasion lacrymale viendrait à recouvrir mes joues brunies par le soleil.

Puis, un jaillissement, celui d’un petit miracle littéraire.

Hélène BERR, vingt et un ans, le bel âge : celui de la littérature et des études supérieures à la Sorbonne suivies de flâneries sur les quais de la rive Gauche. Hélène BERR, une jeune fille française de bonne famille et de confession juive, mélomane, avide de mots et de sensualité contenue, une jeune fille parmi tant d’autres ; mais peut-on être une jeune fille comme une autre lorsqu’on a 21 ans
en 1942 ?
1942, Paris plie sous les bottes du Reich, assoiffées d’eugénisme et de ségrégation. Avril 1942, « Bad news from the stars », les juifs porteront l’étoile jaune, les jeunes filles de 21 ans aussi. Hélène BERR commence la rédaction de son journal intime le 7 avril 1942. Frais et pimpant, son journal est d’abord celui d’une jeune fille en fleurs, gourmande de nature, d’anglicismes élégants et d’amourettes chastes ponctuées de week-end insouciants. Hélène BERR ne réalise pas ce qu’est la guerre, surtout celle-ci. Hélène se sent française, parfaitement inscrite dans la grande culture humaniste des lumières. Aussi, l’étoile jaune sur sa veste n’altère-t-elle  pas la lumière de son cœur délicat. Il faudra à Hélène plusieurs mois pour comprendre l’ignominie de l’insigne ;  insigne même qui  la cloitrera chez elle,  terrorisera et incarcèrera sa famille puis ses amis, insigne qui la fera grandir plus que son âge ne le permet. Pendant dix longs mois, Hélène cessera d’écrire  dans son journal. Dix longs mois de pause littéraire pour devenir autre. Jamais haineuse, Hélène BERR se refusera à subir la situation ;  sans l’accepter elle la condamnera par la force de son esprit limpide et altruiste. Rarement juge de ses bourreaux, elle s’engagera dans une lutte personnelle qui lui permettra de conserver une dignité exemplaire. Souffrant pour les autres, plus que pour elle-même, Hélène ne quittera jamais son cher Paris pour la zone libre et ce malgré les pressions ; c’est donc en femme libre qu’elle restera sur les pavés de la capitale, amoureuse de sa ville, fière de sa culture, écrivant tout simplement ce qu’elle voit sans parti-pris ni rage, jusqu’à l’issue tragique qui la conduira en déportation en juin 1944.

Préfacé par la plume subtile de Modiano, le journal d’Hélène Berr est une œuvre anti-communautariste faite de sens et de courage ; les mots romantiques du début laissant progressivement place à une analyse fine et lucide des aberrations du nazisme. Œuvre longtemps conservée dans les tiroirs douloureux de la Famille Berr, il faudra attendre 2008 avant que ce témoignage ne soit publié. Désormais inscrit au mémorial de la Shoah,  le journal d’Hélène BERR tout comme celui d’Anne Franck, est une œuvre nécessaire tant elle nous fait prendre conscience que la terre est toujours fertile pour les loups mais aussi qu’un cœur libre ne peut cesser de  battre.  Je conclurai sur ce vers de Rimbaud cité par Patrick Modiano : « Par délicatesse, j’ai perdu ma vie ».  Des mots qui semblent avoir été écrits pour Hélène Berr.

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