Le coin des romans

Ma chronique littéraire sur : « Fourrure » roman de Adelaide de Clermont-Tonnerre

1ère de couverture Fourrure, Editions Stock 2010

Si vous êtes un mannequin anorexique qui défend la cause animale, n’ouvrez surtout pas ce livre dont le titre « Fourrure » vous fera à coup sûr vomir votre salade de pousses de soja.  En revanche, si vous aimez les grandes sagas romanesques qui traversent les décennies, alors emparez-vous de ce roman écrit pour vous et savourez l’histoire politiquement incorrecte de Zita Chalitzine, call girl racée et lettrée.

Avec un nom d’héroïne russe, impossible de finir comme madame tout le monde et c’est donc lové dans une zibeline et à l’arrière d’une Mercedes que l’on retrouve le corps de Zita Chalitzine. Quand une femme tire sa révérence de façon aussi peu commune, elle a forcément une fille au sud de nulle part, une fille qui se pense mal-aimée. Ondine est cette fille et c’est à la Une de la presse qu’elle apprend le décès de sa  génitrice autant haie que secrètement admirée. Convoquée pour les obsèques à Paris, la jeune fille va découvrir, en lisant l’autobiographie de sa mère, le parcours libre et solitaire d’une femme qui se moquait de tout sauf de l’oubli. Habilement construit sur deux niveaux de narration, l’un décrivant la fille et l’autre s’emparant de la mère, Fourrure nous plonge dans le destin hors norme d’une femme des années 70. L’occasion pour l’auteure de tracer un magnifique portrait au féminin. De la petite fille amoureuse des mots et de la beauté, à l’adolescente revancharde qui condamne aux travaux forcés sa propre mère tout en rêvant d’écriture, jusqu’à la métamorphose en vamp vintage au regard qui ne flanche jamais, Adélaïde de Clermont Tonnerre nous croque avec virtuosité les tours et détours d’une femme émancipée choisissant la prostitution de luxe afin de mieux s’affranchir. Prostitution qui mènera notre héroïne sur les chemins de l’écriture en mettant dans son lit Romain KIEV, auteur aussi mégalomane que génial, qui deviendra son mentor littéraire autant que son partenaire de jeux sexuels.

Fille de mauvaise vie, fille de mauvaise foi, Zita Chalitzine sanglée dans ses sahariennes St Laurent, n’a rien d’un ange et c’est à la force de sa plume et de sa beauté qu’elle conquerra la république de St Germain de Près. Mais, une femme peut toujours en cacher une autre et l’on découvre au fil des pages les doutes, coups de cœur et grandes désillusions de cette call girl plus douée pour la beauté des mots que pour la vacuité. Derrière la vamp carnassière se cache encore la petite fille sensible, qui découvrit auprès d’un papa parti trop tôt, ses premières émotions de lectrice.

 « Les gens heureux n’ont pas d’histoires, ils s’en inventent» écrivait Claude Roy ;  Adelaïde de Clermont Tonnerre a bien retenu la leçon et c’est en aventurière des mots qu’elle s’empare de cette histoire au souffle revigorant. Parfaitement maitrisé en termes de rythme, Fourrure est un voyage en première classe dans les trente glorieuses. On y retrouve toutes les grandes figures de cette époque qui donnèrent à la liberté sa dimension poétique. La liaison érotico-littéraire entre Romain Kiev et Zita Chalitzine est un hommage très réussi à celle tout aussi dangereuse qui unit Romain Gary et Jean Seberg, décédée elle  aussi dans une voiture. Une histoire insolente et bien ficelée, un style précis et lyrique, font de de ce roman un tourbillon de vie que l’on dévore de jour comme de nuit, en attendant la promesse de l’aube

2 comments on “Ma chronique littéraire sur : « Fourrure » roman de Adelaide de Clermont-Tonnerre

  1. En tout cas , ton billet donne très envie de lire ce roman ..

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    • Je te recommande cette lecture, c’est pas le bouquin du siècle mais on passe un bon moment et c’est déjà beaucoup. A bientôt. Au plaisir de te lire. Astrid

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