« The Artist » réalisé par Michel Hazanavicius, en salle depuis le 12 octobre 2011
1927, les années folles emportent dans un tourbillon de joie les Etats Unis. Les chapeaux cloches fleurissent, le charleston fait swinguer les gambettes et les jolies filles se pâment devant Georges Valentin, icône du cinéma muet aux cheveux gominés et à l’œillade malicieuse.
Georges Valentin s’est auto-proclamé star incontestée d’Hollywood et c’est donc convaincu de son règne que chaque matin il se rend aux studios en compagnie de son chien savamment dressé pour le rendre encore plus irrésistible. Mais Hollywood lassé de se taire donne soudain aux comédiens le pouvoir de la parole. La grande odyssée du cinéma parlant est en marche. Odyssée qui prend les traits d’une jeune et jolie figurante au nom sucré de Peppy Miller. Voix suave, candeur et minauderies seront désormais les clés du succès. Plus habitué aux grimaces et cascades viriles, Georges Valentin va subir de plein fouet la disgrâce et l’oubli des spectateurs. 1929 jette le monde en pleine dépression et notre héros assailli de dettes suit le mouvement en sombrant dans une mélancolie à laquelle assiste impuissant son brave et fidèle chauffeur. Peppy Miller poursuit son irrésistible ascension vocale. Triste destin pour l’ancienne star mais au pays d’Hollywood le pouvoir rédempteur de l’amour se mêle toujours de tout…
Couronné de lauriers au-delà des océans, THE ARTIST se veut un hommage à l’âge d’or du cinéma américain quand les producteurs transformaient des starlettes en muses. Pour arriver à ses fins, le réalisateur filme en noir et blanc et sans paroles une histoire à l’eau de rose dans la tradition de cet âge d’or. Mince comme du papier à cigarette, le scénario ne sert que d’alibi à une caméra aussi habile que narcissique prouvant à la planète cinéma son savoir-faire. Photographie resplendissante, robes taillées sur mesure, casting américain de bon goût, Michel Hazanavicius s’empare du costume d’un Lubitsch qui tendrait la main à Billy Wilder tout en trinquant avec Chaplin. Aussi mégalo que son héros Georges Valentin, Monsieur Hazanavicus n’a pourtant pas encore l’étoffe de ce à quoi il prétend et le Sunset Boulevard de Wilder conserve sa première place au firmament des longs métrages sur la grandeur et décadence du septième art. Consacré professionnel de la parodie grâce aux OSS 117, notre frenchy adoubé par les yankees a vu un peu trop grand même si les américains sont visiblement plus sensibles à ce qui flatte leur patriotisme artistique qu’à la grandeur du cinéma.
Jean Dujardin -alias Georges Valentin- peine à faire oublier le Brice de Nice qui est en lui. Très crédible sur la première partie du film en star du muet mégalomane, il caricature la descente aux enfers de cet acteur délaissé par le public. Là où la gestuelle d’un Chaplin sait rendre grâce à la tristesse humaine, celle de Jean Dujardin reste au premier degré et on attend suspendu à ses lèvres closes cet instant de poésie. Tout cinéphile se met à rêver de ce dont aurait été capable un Charlot sans le sou convoitant dans une boutique le smoking de sa gloire révolue. Pour être un grand clown, il faut savoir être ridicule puis baisser la garde pour qu’enfin jaillisse l’homme démuni.
Bérénice Bejo quant à elle se glisse avec beaucoup de joliesse dans les tenues charleston de Peppy Miller. Injustement ignorée par les oscars, elle fait preuve de finesse dans son jeu et remporte la palme de l’émotion. Les rares moments de poésie visuelle lui reviennent, notamment lors d’une scène où elle étreint dans une danse délicate le smoking vide de Georges Valentin. Couronnée par le cinéma français Bérénice Bejo est la révélation de ce film auquel elle apporte sa fraicheur et son clin d’œil mutin.
Les seconds rôles tenus par les comédiens américains sont bien maitrisés avec une mention spéciale pour James Cromwell, touchant en chauffeur de Georges Valentin. Preuve à l’appui qu’il il n’est donc pas nécessaire d’être outrancièrement grimaçant pour que la justesse parvienne.
Le prix d’interprétation de la drôlerie revient quant à lui au chien, irrésistible compagnon de route de Georges Valentin, qui loin d’être cabot crève l’écran et donne un peu d’épaisseur à son maitre.
THE ARTIST est certes un pari osé en ces temps où les avatars prennent le pouvoir mais malgré une réalisation très soignée et documentée une telle pluie de récompenses me semble surévaluée. On passe néanmoins un joli moment mais est-ce suffisant pour dire que ce moment est inoubliable ? A celles et ceux qui me pensent trop nostalgique, je conseille de revoir la fin des Temps modernes quand Charlot main dans la main avec son aimée part vers la grande espérance humaine. Une fin en forme de leçon de cinéma reposant sur une démarche chaloupée inscrite à jamais dans le coeur des cinéphiles.
Bonjour Astrid
Je viens à mon tour répondre sur les commentaires de ce film. A défaut d’une histoire on ne peut plus originale, le film, j’ en conviens, flatte les années d’or du cinéma américain, avec ces fastes, ces icônes et l’industrie en devenir de cette grosse machine de l’image. Il n’en reste pas moins un film esthétique, et pourquoi pas à l’esthétisme bleu/blanc/rouge dont on peut en être fier, car si les amerlocs peuvent se vanter de leur savoir-faire block-busters et autres, nous avons nous, autre chose, une grâce, une impertinence et une capacité à l’expression voire à la beauté, car, ne l’oublions pas, nous avons eu Georges Méliès, les frères Lumière, alors hymne pour une fois à l’équité, à toutes les passerelles réunissant toutes formes d’art, et longue vie au cinéma !
Marie
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Oui longue vie au cinéma tu as raison. Je t’embrasse 🙂
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Bien dit, Astrid. J’aime ton franc-parler.
Je ne suis pas fan de Jean Dujardin, mais j’ai vu le film à sa sortie, avant que pleuvent les récompenses (un peu excessives) ; que la presse ne s’empare (démesurément) du phénomène The Artist et n’encense (trop) Jean Dujardin. J’ai adoré ce film.
C’était (presque) gagné d’avance. Tous les ingrédients scénarisés (joli minois de la vedette féminine, profil de médaille de la vedette masculine, petit chien savant, bons sentiments, happy end ) ne pouvaient que plaire et séduire le public américain… et français, après coup. L’Oscar du meilleur acteur (entre autres) a fait déferler la vague des spectateurs qui n’étaient pas enthousiastes ni emballés à l’annonce d’un film « muet » à l’affiche dans nos salles habituelles…
Bonne journée à toi.
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Merci madame Steppy. Oui c’est effectivement un film pensé pour le succès made in america, comme l’était la môme. Je ne regrette pas de l’avoir vu mais bon au regard des critiques sur-élogieuses je suis restée sur ma faim. A bientôt madame Steppy 🙂
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J’avoue que j’hésite beaucoup à aller le voir … Vu l’histoire qui n’est pas des plus recherchées , j’ai peur de m’y ennuyer.
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Tu peux y aller, on passe tout de même un moment agréable mais pour ma part je suis une fan à 200% de Chaplin et forcément la comparaison est difficile entre un vrai diamant et un bouchon de carafe 😉
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Chère et fine Astrid,
Si tu as l’occasion va donc voir Les Infidèles et dis nous ce que tu en auras pensé.
Comme tu es en passe de devenir ma critique référence, ça m’intéresse.
Je ne l’ai pas encore vu mais ai entendu des retours mitigés…
Je t’embrasse
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Oui les infidèles, j’hésite franchement tout simplement à y aller, j’étais même en train de réfléchir à un billet d’humeur sur mon boycott de ce concept. Cela m’a l’air d’être un peu d’hétéros beaufs 🙂 et on te revoit quand ? et la famille Meyer ou en est-elle ? il me tarde de te lire et de chroniquer of course 🙂
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