Lilyane Ducher-Grandjean invitée régulière du blog « Laisse parler les filles » est une passionnée de mots et de théâtre. Amoureuse des grands textes destinés à la scène, elle vous convie avec cet opus espiègle à explorer l’ambivalence du rapport auteur-comédien. Pas de Hedda Gabler, Elvire ou Maggie la chatte sans Ibsen, Molière et Tennessee Williams, mais que seraient pourtant ces grands textes sans le talent des comédiennes qui ont transformé en chair frémissante tous ces personnages de papier ? Suivez la poétesse Lilyane Ducher Grandjean dans son exploration de leur relation à fleur de mots…«L’attitude d’un auteur, quand il écrit pour le théâtre, doit être affective avant d’être intellectuelle car tout le théâtre s’adresse à l’émotion avant tout.» Charlie Chaplin.
L’AUTEUR ET LE COMEDIEN
Par Lilyane Ducher-Grandjean
Le comédien joue la comédie
Et l’auteur joue avec les mots
Chacun faisant semblant de se croire mutuellement
Si l’un est toujours en représentation
Usant sans vergogne de son charme, de sa voix, de sa prestance
Pour séduire son public et retenir celle qui n’arrive pas à l’avance
Trompe sa favorite par sympathie et fait une cour universelle
Sans distinction de jeunes et de vieilles demoiselles
L’autre demeure plus souvent seule et sérieuse à sa table
Ecrivant paisiblement ce qu’une imagination vive et débordante
Emprunte à son propre environnement ou que lui inspire la dernière rencontre du moment
Et s’il lui arrive d’être infidèle, volage, dans sa création, sa composition, son émotion
C’est pour donner plus encore de la consistance et du caractère à ses personnages
Car l’auteur se nourrit de son temps et de sa vie
Un petit peu de la sienne et beaucoup de celle des autres
Pour noircir ses grandes feuilles blanches !
Il note, annote et pille de sa bille
Sans scrupules ni majuscules
Tout ce qu’il entend !
Si le premier est redoutable
Parce qu’il peut dire je vous aime de mille façons
La deuxième est insatiable
Qui peut l’écrire à sa façon !
Quand l’un feint, ment, triche et badine
L’autre devine, imagine, s’inspire et butine
S’il déconne
Elle, façonne et crayonne
Faisant un sens d’un contresens
Trouve les mots justes, les mots pour le dire et même pour rire !
Lui, nuance, manigance et s’élance avec véhémence
Dans une longue tirade – un peu ennuyeuse
Qu’il déclame d’un seul trait sur un ton théâtral
Au fil de ses mensonges !
Elle, romance avec élégance et s’engage
Dans un langage plus sage
Avec une liaison de mots raisonnables
Indifférente et imperturbable, à tous ses marivaudages
Bien à l’abri dans sa tour d’ivoire, le cœur à l’ouvrage
Lui, reste sans réaction, tout seul comme un con… tout en bas du balcon !
Fin de l’acte II. Rideau.
Le comédien est un cabotin
Et la femme qui écrit, mâtine…
Peut écrire tout le contraire
De ce qu’elle dit !
Alors, d’après vous ? Lequel des deux
Dit le mieux la vérité ?
Ni l’un ni l’autre…
Pour le même plaisir !
Texte primé en 2001 concours international Arts & Lettres de France
Lu pour la première fois en 2005 par le comédien Bernard Musson (1925-2010)
Bravo à Lilyane que je retrouve via ce blog. C’est frais, réaliste, et impertinent, les textes comme je les aime. Bravo à toi Lilyane à ta plume acerbe et ô combien actuelle. Je dédie ce message à l’amitié, car notre rencontre a fait naître la rencontre avec Astrid, et ces échanges sont précieux, ils nous portent ! j’espère longtemps encore…
Tendrement
Marie
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Magnifique message, merci Marie. Bises. Astrid
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