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« L’astragale » de Albertine Sarrazin : le récit à bout de souffle d’un braquage sentimental…

1ère de couverture l’Astragale de Albertine Sarrazin – Editeur Pauvert

L’Astragale, un récit de Albertine Sarrazin

Non, « L’astragale » n’est pas  le nom tenu secret de l’Atlantide ou une poudre de perlimpinpin.  « L’astragale » est un os. Un os minuscule servant de pivot pour fléchir la cheville. Sans astragale, pas d’évasion possible. A moins de s’appeler Anne, d’avoir 19 ans et de la tristesse mal élevée à revendre. C’est donc sur un os brisé, que débute ce récit autobiographique qui fut  lors de sa publication en 1965 un Best-seller. Pourquoi un tel succès ? Ecrit en taule par une taularde, L’astragale n’est autre que l’histoire d’une vie à bout de souffle, celle d’Albertine Sarrazin, tour à tour braqueuse, putain aux yeux de biche et amoureuse comme une midinette.

Car c’est bien d’un braquage sentimental qu’il s’agit dans ce roman fonçant à deux cent à l’heure sur les routes de la France d’avant. Incarcérée à la prison d’Amiens, Anne se fait la belle, se brise l’os de la cheville et alors qu’elle gît sur l’asphalte un homme la prend dans ses bras et l’enlève.  Cet homme : Julien. Julien le mauvais garçon aux bras costauds la recueille, la planque et l’aimera à sa façon. Loin du rêve bleu, « l’astragale » est avant tout  le récit d’une passion à contre-courant tenace comme le chiendent. La cheville douloureuse et déchirée, puis enfin plâtrée, Anne la resquilleuse, la dure à cuire au cœur déjà vieux, va connaître entre les bras de ce marginal les exaltations et les doutes d’un amour rythmé par le sursis. Une attente dans des planques sordides tenues par des personnages de films noirs aussi vachards qu’attachants. Pour combler l’ennui Anne sirote sec, lit des revues, apprend à marcher avec des béquilles, observe ce petit monde patibulaire prompt à  planter un couteau dans le dos. Seules éclaircies de cette clandestinité, les rares apparitions de son volatil amant pour lequel elle sera vite prête à tout. Enfin sur ses deux jambes, Anne se remet à vivre, à gagner sa vie en se prostituant. Elle met de l’argent de côté et attend. Elle l’attend…

Personnage atypique de la littérature française, Albertine Sarrazin, enfant de la rue, brillante étudiante et petite voleuse sans états d’âme, fait un pied de nez littéraire aux barreaux des prisons. S’aidant d’une plume aussi farouche que désespérée, Albertine nous parle de liberté. Liberté de prendre son envol quand tout l’interdit, liberté d’aimer, de boire du cognac au goulot, de fumer à en perdre le souffle, de vendre son corps afin d’en aimer un autre. Cri d’oiseau dans un monde de carcans, «L’astragale» est une histoire d’amour sans normes qui ne fera pas pleurer dans les chaumières mais vous donnera envie de partir sur la route au bras d’un garçon pas comme les autres. Ce récit brûlant très ciné-génique a déjà fait l’objet d’une adaptation cinématographique en 1969 avec Marlène Jobert dans le rôle d’Anne. Une nouvelle adaptation est en cours et c’est Leïla Bekhti qui  campera ce personnage de femme insoumise. Sauve qui peut l’amour…

Astrid MANFREDI, le 26/11/2012

Informations pratiques :
Titre : l’Astragale
Auteure : Albertine Sarrazin
Editeur : Pauvert

9 comments on “« L’astragale » de Albertine Sarrazin : le récit à bout de souffle d’un braquage sentimental…

  1. Astrid SHRIQUI GARAIN

    Un des livres qui marque mon adolescence ! L’incarcération appelle l’évasion. Mais il convient de bien connaître l’intelligence de toute réclusion. « lorsque la carcasse est libérée, l’esprit, qui était jusque-là la seule échappatoire, devint au contraire l’esclave des mécanismes. » Albertine savait la hauteur des murs, et la force que l’on devait posséder pour écarter les barreaux de toute cellule. Merci à toi de la faire redécouvrir.

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  2. On se prend d’affection pour cette Albertine, écorchée par la vie et brûlant d’un désir urgent, d’une fureur de vivre, habitée d’une audace sans limites et dont le coeur malmené laisse entrevoir autant de blessures que de messages aussi intenses que sa breve vie. adjugé vendu !
    bises et encore merci pour ce partage.
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  3. Ludmila

    Je découvre vos mots et cela me donne envie de m’y plonger et de ne plus jamais relever les yeux. Ou peut-être juste un court instant, pour filer chez le libraire du quartier et lire les mots de ces autres, que vous aimez et donnez envie d’adorer. Si le monde n’était pas conter par des plumes telles que la votre, pour sûr, il serait beaucoup moins beau. Merci pour ces voyages.

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  4. Ah tiens je l’ai acheté la semaine dernière, j’ai vraiment hâte de le commencer, encore plus après ton article!

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  5. Ce n’est pas le genre de livre que je lis habituellement (pas assez de « fantasy » (sans faute de frappe), mais ta chronique me donnerait presque l’envie de le lire, Astrid. 😉

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